Le syndrome Saas fatigue "Ras le bol de tous ces logiciels"
8 fois plus de Saas utilisés depuis les 5 dernières années. On fait le point sur le récent syndrome appelé "Saas fatigue" qui impacte la productivité et le bien-être des équipes.
Notion pour consulter le calendrier éditorial, Slack pour discuter avec ses collègues, Pipedrive pour suivre ses clients, Asana pour la partie projet...
Il y en a de plus en plus d'outils utilisés au quotidien par les équipes.
Une récente étude de Bettercloud montre que le nombre de Saas utilisés dans chaque entreprise a été multiplié par 8 en 5 ans, passant de 16 en 2015 à 130 en 2022.
Cette multiplication devient un véritable challenge à relever pour les dirigeants et les DSI, dont certaines conséquences négatives peuvent s'avérer néfastes pour la productivité et le bien-être des équipes.
On va décrypter ensemble ce phénomène relativement nouveau : La Saas fatigue.
Multiplication du nombre de Saas utilisés : Quel impact ?
Quel impact sur les équipes ?
On est passé d'une mode de logiciel "tout intégré" dans les années 2010 avec les ERP, à une tendance d'un outil pour chaque usage avec les Saas.
Sauf que le problème d'avoir autant d'outils à utiliser au quotidien, est que les collaborateurs finissent par passer plus de temps à chercher l'information qu'à l'utiliser.
Ce qui peut provoquer un sentiment de fatigue profonde, comme le fait d'être submergé face à toute cette quantité de systèmes différents à apprendre et maîtriser.
Même si chaque logiciel pris séparément est simple à utiliser, c'est la somme qui procure la complexité.
Comment savoir où va chaque information, comment doit-elle cohabiter avec les autres outils, que faut-il faire ou ne pas faire.
Autant de questions que se posent les utilisateurs au quotidien, sans parfois même y trouver de réponse claire et satisfaisante.
Ce n'est donc pas vraiment un problème d'utilisation au sens strict du terme, mais plutôt un problème d'appropriation.
Quand les collaborateurs sont là dès le début ça facilite les choses, car ils ont vu les logiciels arriver au fil de l'eau, ce qui leur a laissé le temps de les appréhender plus facilement.
Mais quand vous avez une nouvelle personne qui rejoint l'entreprise et qui se retrouve livrée à elle-même face à toute cette masse comment peut-elle faire pour s'y retrouver.
Ce qui peut paraître évident pour les uns, ne l'est pas forcément pour les autres.
Quand on découvre plusieurs dizaines de logiciels d'un coup, c'est normal de se sentir submergé.
C'est toute cette somme de conséquences qui peut provoquer un inconfort sur la santé mentale des collaborateurs et leur manque d'épanouissement au travail.
Même si la Saas fatigue ne peut pas à elle seule expliquer ce sentiment de stress grandissant que ressentent les équipes, elle y contribue forcément.
Les coûts associés à tous ces outils
Au-delà de la fatigue que peut provoquer cette multitude d'outils, on peut aussi souligner l'augmentation des budgets associés.
9€ par ci, 29€ par là, chaque logiciel pris séparément est souvent abordable, mais quand on commence à faire la somme de tous les coûts associés, on se retrouve vite avec un budget important.
Si on dit que sur les 130 Saas utilisés dans une entreprise, il y en a 10% qui ne sont pas gratuits, cela nous donne 13 outils payants.
À raison d'un prix moyen à 19 € on se retrouve vite avec un budget de 247 €/ utilisateur par mois.
Pour une petite équipe de 15 personnes ça fait 44 000 € par an.
Il y a donc une question à se poser sur le rapport entre le gain de temps généré par l'utilisation de chaque outil et le budget dépensé pour y parvenir.
Quelles solutions face à ces constats
La documentation
La solution vient principalement d'une meilleure éducation des équipes face à toute cette multiplication.
On le voyait précédemment, le principal problème ne vient pas forcément d'un manque de formation lié à l'utilisation stricte de l'outil, mais plutôt d'un manque de procédure sur l'usage qu'on doit en faire au quotidien.
La clé de voûte d'une utilisation saine repose donc sur une documentation parfaite des process et des fonctionnalités.
- Quel logiciel pour quel usage
- Comment se servir de chaque logiciel
- Quel lien existe-t-il entre les différents outils
- Quel est le référent à contacter pour chaque sujet
Toutes ces réponses doivent idéalement être disponibles tout le temps et pour tout le monde.
C'est ce qu'on appelle la base de connaissance interne de l'entreprise.
Du côté de l'arrivée des nouveaux collaborateurs, l'onboarding doit être suffisamment long pour laisser le temps aux nouvelles recrues de se familiariser avec cette stack outils (Pile d'outils).
Ce qui est évident pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre.
Il faut savoir se mettre au niveau d'une personne qui arrive dans une nouvelle structure et qui découvre un tout nouveau système rempli de plusieurs dizaines d'outils.
L'accompagnement doit se faire en plusieurs étapes, avec un premier bloc d'explication au moment de son arrivée et plusieurs sessions hebdomadaire sur les mois qui suivent.
L'occasion au passage de faire des piqûres de rappel pour les équipes déjà en place.
On prendra bien entendu le soin de filmer ces sessions régulières, afin qu'elles puissent resservir autant de fois que nécessaire en asynchrone.
La politique interne en matière d'informatique
Le gros enjeu des services informatiques est de pouvoir maîtriser les outils qui sont quotidiennement utilisés par les équipes.
C'est quelque chose qui aurait été impensable il y a encore quelques années, mais 65% des logiciels utilisés en entreprise le sont sans que le service informatique en soit informé (Étude BetterCloud)
C'est ce qu'on appelle le "Shadow IT" et c'est une tendance qui a été rendue possible uniquement par l'essor des logiciels en ligne (Saas).
Les collaborateurs "installent" et utilisent des nouveaux outils sans en parler et sans demander l'aval des services concernés.
C'est à la fois positif, car les collaborateurs n'ont pas besoin d'attendre plusieurs jours (semaines ?) avant de pouvoir utiliser un nouvel outil.
Mais il peut aussi y avoir des conséquences négatives, comme le fait de ne pas utiliser correctement le logiciel, ou de mal documenter son utilisation.
Rien de dramatique, mais dans des cas plus graves on peut aussi parler de fuite de données ou de virus informatique, ce qui peut s'avérer largement plus préjudiciable.
Entre interdire complètement l'installation de nouveaux outils et laisser chaque personne de l'équipe faire ce qu'elle veut, il y a un compromis à trouver entre les deux :
- Charte d'utilisation des outils
- Formation sur la vigilance nécessaire à avoir en matière de nouveaux outils
- Une procédure de documentation en cas de nouvelle utilisation
- Etc.
L'essor des "Super Apps" au secours de la "Saas fatigue"
Pour réduire ce constat négatif de multiplication, une autre solution consiste à utiliser le moins d'outils possible.
Les éditeurs l'ont bien compris en proposant une alternative "intégrée" : Les super Apps.
Une super App c'est un Saas qui embarque le maximum de fonctionnalité à l'intérieur de son système, afin de pouvoir couvrir le plus d'usages possibles.
Finalement c'est l'histoire qui se répète.
On a fait la course aux logiciels intégrés, puis on a pris le meilleur de chaque usage dans un Saas, pour revenir finalement à des super apps qui font tout.
Quelques exemples qui vont parler à tout le monde.
Il y a les super apps généralistes, Google Workspace, Office 365.
On peut avoir ses e-mails, son agenda, ses fichiers, son chat, sa communauté, ses visios, etc.
Mais aussi les super apps de niche comme Pennylane ou Qonto si on doit prendre l'exemple de la niche "finance".
On peut y faire sa comptabilité, sa banque, ses notes de frais, ses achats, ses factures, etc.
C'est séduisant sur le papier, car cela permet d'éviter de démultiplier les outils, donc de réduire la complexité d'utilisation et les coûts associés.
C'est en partie vrai, car le fait de tout avoir au même endroit facilite grandement la compréhension des équipes face à l'usage qui doit en être fait.
Mais attention, car ces avantages peuvent révéler 2 conséquences plutôt pénalisantes :
- Un outil qui fait tout, peut potentiellement tout faire moyennement bien.
En essayant de tout couvrir à l'intérieur d'un seul et même outil, on prend le risque de survoler certains usages. - La dépendance de l'entreprise face à ces solutions.
Si vous avez votre banque, votre compta, vos factures et vos justificatifs dématérialisés, dans une seule application, vous prenez le risque de ne plus pouvoir vous passer de l'application en question.
(Même quand elle change brutalement ses conditions commerciales et ses prix).
Comme on peut le voir ce syndrome naissant peut s'avérer particulièrement préoccupant.
Surtout qu'on risque de voir ces usages se démultiplier avec la généralisation de l'utilisation de l'IA en entreprise.
Il faut donc rester particulièrement attentifs à ces sujets, au risque de voir les outils nous desservir, là ou leur rôle premier était plutôt de nous assister.